Née en Malaisie, Zhong Lin découvre la photographie à l’université alors qu’elle étudie la communication. Fascinée d’abord par les pellicules en noir et blanc, la photographe autodidacte exploite peu à peu la couleur et son empreinte artistique se précise. Sa palette présente des teintes vives et ses compositions regorgent de poses théâtrales. Zhong Lin emprunte à l’opéra chinois son maquillage outrancier, sa précision millimétrée, son décor clairsemé et place le modèle au centre de son œuvre. Inspirée par les dessinateurs d’horreur japonais, elle se joue du corps inondé de cire, bâché de plastique, enveloppé de tissu.
Ses clichés surréalistes séduisent Harper’s Bazaar, Vanity Fair, L’Officiel et Vogue. L’artiste prolifique multiplie les projets. Au cours de la pandémie, Zhong Lin se lance le défi gargantuesque de réaliser une photographie chaque jour pendant un an. Véritable manifeste créatif, Project 365 entérine son empreinte poétique et fantastique. La photographe accomplit une métamorphose inédite du corps, noyé, tordu, fleuri. Fascinants, effrayants, ses clichés attisent la peur, le calme ou le désir : elle entend susciter une expérience sensible et transcendante.
Zhong Lin explore des thèmes atemporels susceptibles d’éveiller des sensations universelles. Elle connaît depuis son plus jeune âge la musique indienne, la cuisine malaisienne et le cinéma américain ; ses parents discutent en chinois, en anglais, en malaisien. Ce syncrétisme joue un rôle fondateur dans son œuvre : Zhong Lin invoque l’inconscient universel. Dans cette optique, les images choisies par la photographe pour Wombat évoquent les thèmes de la nudité et de l’eau. Les hommes partagent un rapport universel à l’eau, peu importe leur origine. L’eau protège le nourrisson dans le ventre de sa mère ; l’eau engendre la vie et la mort ; l’eau suscite la peur et le calme. Zhong Lin exalte ce lien invisible et explore ce vaste thème sous toutes ses formes. Des bulles, des gouttes, des larmes constellent ses photographies. Elle entend stimuler les sens du spectateur, et éveiller des souvenirs, le premier baiser, l’odeur de la pluie.
L’eau occupe une place ambivalente dans le tirage d’art du coffret. Le bain suggère le silence et le calme, mais aussi la noyade. Seules les bulles d’oxygène maintiennent le modèle en vie. Ces poches délicates insufflent à la photographie sa vitalité, elles assurent la protection et la connexion entre le spectateur et le modèle lointain. Les lèvres rouges et la peau diaphane, la dormeuse est aussi sensuelle que macabre, à l’image de la photographie énigmatique de Zhong Lin. L’artiste instille l’ambiguïté entre le trouble et le calme, la peur et la langueur. Zhong Lin loue la liberté de créer, sans frontière, sans limite, sans définition, et confie au spectateur le soin de l’interprétation.